Dans son article du 25 janvier 2016 relatif au droit à l’image, la Commission Nationale de l’Informatique et des Libertés (CNIL) nous rappelait le point suivant : « Il faut bien dissocier la protection des données personnelles - champ qui relève du RGPD - du « droit à l’image », qui est en fait le droit à la vie privée prévu dans le code civil. […] Dès lors qu'elle se rapporte à une personne identifiée ou identifiable, l'image d'une personne est une donnée à caractère personnel [ainsi que sa voix]. Pour vous appuyer sur les droits prévus par le Règlement Général sur la Protection des Données (RGPD) vous devez prouver que l’on vous reconnait. »
L’article 9 du code civil dispose en effet : « Chacun a droit au respect de sa vie privée. Les juges peuvent, sans préjudice de la réparation du dommage subi, prescrire toutes mesures, telles que séquestre, saisie et autres, propres à empêcher ou faire cesser une atteinte à l'intimité de la vie privée : ces mesures peuvent, s'il y a urgence, être ordonnées en référé. »
Le code pénal prévoit à l’article 226-1 une punition d’un an d’emprisonnement et une amende de 45000€ pour le fait de « porter atteinte à l’intimité de la vie privée d’autrui :
1° En captant, enregistrant ou transmettant, sans le consentement de leur auteur, des paroles prononcées à titre privé ou confidentiel ;
2° En fixant, enregistrant ou transmettant, sans le consentement de celle-ci, l'image d'une personne se trouvant dans un lieu privé.
3° En captant, enregistrant ou transmettant, par quelque moyen que ce soit, la localisation en temps réel ou en différé d'une personne sans le consentement de celle-ci. »
Il est en outre précisé que : « lorsque les faits sont commis par le conjoint ou le concubin de la victime ou le partenaire lié à la victime par un pacte civil de solidarité, les peines sont portées à deux ans d'emprisonnement et à 60 000 euros d'amende. »
En outre, l'article 226-8 du code pénal punit d'un an emprisonnement et de 15 000€ d'amende le fait de publier, par quelque voie que ce soit, le montage réalisé avec l'image d'une personne sans son consentement, s'il n'apparaît pas à l'évidence qu'il s'agit d'un montage ou s'il n'en est pas expressément fait mention.
Si le droit à l’image vous permet d'autoriser ou de refuser la reproduction et la diffusion publique de votre image, le droit au respect de votre vie privée vous permet d'autoriser ou de refuser la divulgation d'informations concernant votre vie privée. (source : service-public.fr).
Comment recueillir le consentement des personnes concernées ? Comment exercer ses droits ? Quid du droit à l’image des collaborateurs ? Et celui des enfants ?
Recueil du consentement des personnes majeures et des mineurs émancipés
Pour une personne majeure et dans le cas d’une image prise dans un lieu privé (photo ou vidéo), son autorisation est nécessaire si elle est reconnaissable.
Dans un lieu public, son autorisation est nécessaire si elle est isolée et reconnaissable. Son droit à l'image est limité par le droit à l'information, le droit à liberté d'expression et la liberté artistique et culturelle : son accord n'est pas nécessaire pour diffuser certaines images, à condition que sa dignité soit respectée et que son image ne soit pas utilisée dans un but commercial. Le site service-public.fr cite par exemple :
· Image d’un groupe ou d’une scène de rue dans un lieu public si aucune personne n’est individualisée et dans la limite du droit à l’information,
· Image d'un événement d'actualité ou d'une manifestation publique dans la limite du droit à l'information et à la création artistique,
· Image d'une personnalité publique dans l'exercice de ses fonctions si le but de l'image est d'informer (un élu par exemple),
· Image illustrant un sujet historique.
En ce qui concerne les personnes majeures protégées (sous tutelle ou curatelle), le juge des tutelles ou le conseil de famille doivent être saisis par la personne chargée de la protection pour autoriser ou refuser la reproduction de leur image.
Le photographe ou vidéaste doit donc recueillir l’accord écrit de la personne concernée avant de diffuser son image et d’utiliser sa voix. Le formulaire doit être précis :
· Sur quel support est diffusée l’image ? (Presse, télévision, intranet, internet, réseau social, projection collective…)
· Dans quel objectif ?
· Pour quelle durée ?
Le formulaire de recueil du consentement doit, conformément au RGPD, mentionner :
· Le nom et les coordonnées du responsable de traitement,
· Les droits d’accès, de rectification et d’effacement des données à caractère personnel et les coordonnées du délégué à la protection des données le cas échéant,
· Le droit de retirer son consentement,
· Le droit de déposer plainte auprès de la CNIL.
L’accord de la personne concernée sera également nécessaire en cas de réutilisation de l’image dans un but différent de la première diffusion.
Il n’est donc pas possible de recueillir un « droit à l’image global ».
En ce qui concerne le droit à l’image des collaborateurs :
· La présence de leur photo dans le trombinoscope n’est pas obligatoire et relève de leur consentement,
· Le consentement à l’utilisation de leur image ne doit pas être recueilli dans le contrat de travail. Il est préférable de le collecter à un autre moment afin de garantir que le consentement du collaborateur soit libre,
· La présence de la photo dans le dossier RH n’est pas pertinente, sauf dans le cas de l’utilisation de badges d’accès nominatifs avec photo ; s’agissant ici d’une mesure de sécurité.
Pour demander au photographe le droit de retrait d’une photo au nom du droit à l’image, la CNIL vous indique de :
· Vous assurer que la photo permet de vous identifier,
· Vous assurer que vous n’avez à aucun moment consenti à cette prise de vue,
· Contacter l’auteur de la diffusion
Pour demander au responsable de publication d’un site internet de dépublier votre photo, la CNIL vous recommande de :
· Vous assurer que la photo permet de vous identifier,
· Contacter le responsable du site sur lequel est publiée l’image :
o Vous rendre sur la page d’information réservée à l’exercice de vos droits sur le site de l’organisme,
o Écrire au site concerné pour lui demander de dépublier l’image (vous pouvez utiliser le modèle de courrier proposé par la CNIL)
o Joindre si nécessaire un justificatif d’identité (voir précisions de la CNIL à ce propos)
· Déposer une plainte si la réponse n’est pas satisfaisante au moyen de son formulaire de plainte en ligne ou de saisir une juridiction.
Enfin, le proche d'une personne décédée peut contester la reproduction de son image si cette image lui cause un préjudice. Par exemple, atteinte à la mémoire du défunt.
Droit à l’image des personnes mineures
Pour utiliser l’image d’une personne mineure, l’autorisation des parents ou du responsable légal doit obligatoirement être obtenue. Il n’y a pas d’exception, y compris pour le journal, le trombinoscope ou l’intranet d’une école. Pour un groupe d’enfants, l’autorisation écrite des parents de chaque enfant est obligatoire.
Par ailleurs, l’article 8 du RGPD précise les conditions applicables au consentement des enfants en ce qui concerne les services de la société de l'information :
1. Lorsque l'article 6, paragraphe 1, point a), s'applique, en ce qui concerne l'offre directe de services de la société de l'information aux enfants, le traitement des données à caractère personnel relatives à un enfant est licite lorsque l'enfant est âgé d'au moins 16 ans. Lorsque l'enfant est âgé de moins de 16 ans, ce traitement n'est licite que si, et dans la mesure où, le consentement est donné ou autorisé par le titulaire de la responsabilité parentale à l'égard de l'enfant.
Les États membres peuvent prévoir par la loi un âge inférieur pour ces finalités pour autant que cet âge inférieur ne soit pas en-dessous de 13 ans. [15 ans en France]
2. Le responsable du traitement s'efforce raisonnablement de vérifier, en pareil cas, que le consentement est donné ou autorisé par le titulaire de la responsabilité parentale à l'égard de l'enfant, compte tenu des moyens technologiques disponibles.
3. Le paragraphe 1 ne porte pas atteinte au droit général des contrats des États membres, notamment aux règles concernant la validité, la formation ou les effets d'un contrat à l'égard d'un enfant.
La loi du 19 octobre 2020 encadre l'exploitation commerciale de l'image d'enfants de moins de seize ans sur les plateformes en ligne. On parle familièrement de loi « enfants influenceurs » car elle encadre leur travail sur les plateformes de vidéos en ligne (YouTube, TikTok, Instagram...). Ils bénéficient des règles protectrices du code du travail.
Le site vie-publique.fr précise : « Les parents ont également une nouvelle obligation financière : une partie des revenus perçus par leur enfant (le "pécule") doit être placée à la Caisse des dépôts et consignations jusqu'à leur majorité ou leur émancipation, comme c'est la règle pour les enfants du spectacle. Des sanctions sont prévues pour les parents qui garderaient l'argent à leur profit. »
Enfin, la loi du 19 février 2024 vient renforcer le respect du droit à l’image des enfants sur les réseaux sociaux en modifiant le code civil. La Direction des Affaires Juridiques (DAJ) alerte des dangers de la pratique dite du « sharenting », qui consiste pour les parents à publier des photos de leurs enfants mineurs sur les réseaux sociaux bien qu’il existe des risques pouvant aller jusqu’à l’usurpation d’identité en ligne, le chantage, le cyberharcèlement, la prostitution de mineurs, ou la pédopornographie.
« La loi de 2024 vient donner les moyens juridiques à l’un des parents de contester l’utilisation faite par l’autre parent de l’image de son enfant. En cas d’urgence, le juge aux affaires familiales peut être saisi par voie de référé, et celui-ci peut ordonner une astreinte pour faire exécuter une mesure d’interdiction. »
Le texte précise les points suivants :
· Le droit à l’image de l’enfant mineur est exercé en commun par les deux parents dans le respect de sa vie privée,
· L’enfant doit être associé aux décisions concernant son image selon son âge et son degré de maturité,
· Une mesure spécifique d’interdiction de publication à l’encontre du parent qui diffuse publiquement des photos de son enfant contre l’avis de l’autre parent est mise en place,
· Lorsque la diffusion d’images par les parents porte gravement atteinte à la dignité ou à l’intégrité morale de leur enfant, le juge peut prendre une décision de délégation partielle ou totale de l’autorité parentale à un tiers, à l’initiative des parents, des tiers, du parquet ou du juge civil ou pénal,
· La CNIL peut saisir les juridictions compétentes pour demander le blocage d’un site internet en cas d’atteinte aux droits des mineurs dans les cas de non-exécution ou d’absence de réponse à une demande d’effacement de ces données.
Ces mesures devraient renforcer l’importance accordée à la préservation de l’intimité des enfants et inculquer de meilleures pratiques aux parents, enfants, adolescents, et à leur entourage.
Vincent Ubino
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